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MES SOUVENIRS

projectile. Le général marquis Passalacqua fut tué au moment où, l’épée haute, il entraînait la brigade de Piémont. L’artillerie avait fait des prodiges de valeur. Mon ami Charles de Robilant, lieutenant d’artillerie, eut la main emportée par un boulet. Rentrant dans Novare, il rencontra son père, aide de camp du roi, et il lui montra son bras mutilé : « Tu as fait ton devoir, » lui répondit avec calme le comte de Robilant.

La terrible blessure de ce jeune et brillant officier eut un grand retentissement en Italie. Dès le 27 mars, le comte de Ludolf m’écrivait de Naples : « Mon cher ami, je suis consterné du désastre qui vient de frapper le Piémont et tant de familles et d’amis. Ici, je ne fais point de politique, ce n’est que le cœur qui parle. Je ne pense qu’à la famille de Robilant. Charles a donc perdu un bras. Je vous

    armées impériales. Il était en 1814 chef de bataillon, aide de camp du général Gérard depuis maréchal de France. Compromis dans le mouvement de 1821, il s’était établi en France où il avait épousé Mlle de Latour-Maubourg. Il avait fait la campagne de Belgique et il avait été nommé maréchal de camp en 1839. Il avait dit à M. de Bois-le-Comte dans une de ses dernières conférences avec lui : « J’ai tout sacrifié pour l’idée de l’indépendance italienne, mon bonheur, mes intérêts, mes sentiments, car j’ai quitté la France que je préfère à tout, un grade qui m’assurait plus d’avantages que ceux dont je jouis en Piémont, une sécurité que je ne trouverai jamais ici. Je suis vilipendé, maltraité, menacé de mort par ceux à qui j’ai fait ces sacrifices, mais je les pousserai jusqu’au bout avec la certitude de n’en être jamais récompensé. »