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MES SOUVENIRS

laquelle je ne m’attendais pas, il ne se leva pas, pensant que le voyageur français ne resterait pas longtemps chez moi et que je le congédierais bientôt.

De son côté, M. Martin comptant qu’à cette heure il ne rencontrerait personne chez moi parut surpris d’y trouver une visite, et les deux hommes se regardèrent attentivement. M. Martin insista pour que je restasse couché. La conversation devint générale, et Guillaume de Ludolf ne se disposait pas à se retirer : je ne savais que faire pour le renvoyer. Comme il tenait bon, profitant d’un instant où M. Martin chauffait ses pieds à ma cheminée je fis signe à Ludolf d’approcher et je lui dis à voix basse : « Je t’en prie, va-t’en ; car j’ai besoin de parler à ce commerçant qui repart dans la nuit. »

Ces paroles l’intriguèrent beaucoup ; il me regarda dans le blanc des yeux en souriant et en me secouant la main. Il se retira en saluant à peine M. Martin qui, de son côté, se tenait raide comme un bâton.

Lorsque nous fûmes sûrs d’être seuls, le duc de Savoie, ôtant sa perruque et sa barbe, se jeta à mon cou. Il avait quitté le jour même la ville de Casal, où il était en garnison, pour venir à Turin. Il me demanda quel était ce monsieur et apprenant que c’était le chargé d’affaires de Naples il manifesta la crainte d’avoir été reconnu, « J’ai cru, dit-il, qu’il