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Depuis cette époque, le duc de Savoie venait secrètement me voir de temps en temps chez moi, via Carlo-Alberto, n° 3, au 3e étage. Il était convenu entre nous que dans ses visites il se ferait annoncer sous le nom de M. Martin, commerçant français. Un soir, — c’était un peu avant la rupture des relations diplomatiques entre la Sardaigne et le royaume de Naples, — vers onze heures, j’étais déjà couché et j’avais près de moi mon ami, le comte de Ludolf arrivé récemment à Turin comme chargé d’affaires de Naples, lorsque retentit un violent coup de sonnette, et un moment après mon domestique vint m’annoncer M. Martin. Je me tournai alors vers M. de Ludolf et je lui expliquai qu’ayant des affaires particulières à régler avec ce négociant français, j’avais besoin de m’entretenir seul avec lui. Sur ces entrefaites et sans attendre d’être introduit, M. Martin fit irruption dans ma chambre : — il portait une grande barbe, son œil était brillant et son maintien plein d’assurance ; il était assez mal mis d’ailleurs sous un grand paletot d’hiver. Le comte de Ludolf ne comprenait pas comment à cette heure tardive je recevais des gens d’affaires qui pouvaient bien attendre au lendemain pour me voir à la chancellerie de la légation. Quoiqu’il eût surpris dans ma manière d’être tout mon embarras de cette visite à