Page:Reiset - Mes souvenirs, tome 1.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
MES SOUVENIRS

Mais me voici loin de mon sujet : reprenons-le.

En sortant de chez le roi Charles-Albert, un officier piémontais qui m’était inconnu se présenta tout à coup à moi en me barrant le passage, et après m’avoir serré la main, il se mit à me parler des événements. « Dieu ! que c’est triste, après tous nos succès de battre en retraite et d’abandonner l’Italie à ses plus grands ennemis ! Vous ne vous figurez pas comme nos troupes se sont bien battues, mais malheureusement l’administration et le matériel italiens ne sont pas aussi bien organisés qu’en Autriche. Nous avons l’élan, le patriotisme ; nous avons eu de belles journées de gloire, mais la fortune se retourne aujourd’hui contre nous, et nous n’avons plus qu’à faire taire nos canons, qu’à patienter pour recommencer peut-être plus tard. » Pendant qu’il me parlait, ce jeune officier ouvrait de grands yeux où brillaient des larmes, il me regardait fixement et frappait avec feu le fourreau de son sabre, qui retentissait sur les marches de l’escalier de marbre du palais Greppi.

— Qui est donc cet officier ? demandai-je en me retournant vers le premier venu que je trouvai à mes côtés.

— C’est le duc de Savoie.

C’était en effet Victor-Emmanuel qui sans aucune présentation était venu à moi.