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CHAPITRE CINQUIÈME

fois la Chambre haute et son pays et était venu s’établir d’abord à Genève, pays de sa femme, puis en Piémont. La marquise de Cavour, mère du futur ministre de Victor-Emmanuel, était sœur de la duchesse de Clermont-Tonnerre. Celle-ci qui n’avait pas d’enfant avait une affection particulière pour son neveu Camille qui venait tous les soirs passer quelques heures chez sa tante. Elle touchait à la fin de sa vie ; elle mourut en 1849. Elle n’en tenait pas moins au palais Cavour un salon qui était une puissance. C’était une des femmes les plus spirituelles que j’aie rencontrées. Ne pouvant plus marcher, elle recevait dans un grand fauteuil à coussins, entourée d’oreillers violets. Elle portait un grand bonnet de dentelles du siècle dernier ; toujours habillée de noir, sa seule coquetterie était de laisser entrevoir sous ses larges manches un bras et une main restés charmants malgré ses soixante-dix ans. Ses yeux rappelaient aussi qu’elle avait été fort belle. Devant elle, sur une petite table ses objets préférés : portraits, souvenirs, médailles, étaient éclairés par deux bougies surmontées d’un abat-jour vert. On y remarquait le portrait de son malheureux jeune neveu Auguste de Cavour, tué à Goïto. Un cordon de sonnette descendant du plafond était à portée de sa main. Le salon très vaste, très élevé, était rempli de chinoiseries, de