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fait accompagner de deux géomètres, Diognète et Béton, et que le cours des rivières servait de points de repère[1]. On peut juger de la carte d’Agrippa par celle qui fut construite un peu plus tard et qui est connue sous le nom de carte de Peutinger. La partie la plus satisfaisante du chapitre de Pline relatif à l’Inde est celle qui traite de la côte occidentale de la presqu’île. L’état qu’elle suppose est en partie celui qui existait au temps du Périple. Quant à ce que Ptolémée a dit sur l’Inde, outre que ses notions étaient incomplètes, il parle d’un état de choses qui n’était plus tout à fait le même au temps du Périple.

Avant d’entrer dans la discussion du Périple, il convient de faire une observation. On sait que la race primitive de l’Inde se composait d’hommes réduits presque à l’état sauvage et livrés au culte le plus grossier. Les Aryas, qui vinrent des contrées du nord et qui avaient adopté le culte de Brahma, occupèrent successivement les provinces septentrionales de la presqu’île. Au troisième siècle avant notre ère le bouddhisme se propagea dans la vallée de l’Indus. Vinrent ensuite les Grecs de la Bactriane, qui occupèrent le pays pendant plus de cent ans, puis les Indo-Scythes. Ajoutez à ces éléments de division la présence des habitants primitifs, qui étaient fort nombreux et qui le sont encore. Voilà pourquoi, aux yeux des brahmanistes qui occupaient les bords du Gange, et dont le pays était jusque-là resté pur de la domination étrangère, la vallée de l’Indus et le Guzarate ne pouvaient pas être considérés comme faisant partie de la véritable Inde.

Mais il est temps de se remettre en route, et de voir ce qu’étaient les grands marchés de la côte occidentale de la presqu’île de l’Inde, marchés qui jouissaient alors d’une grande

  1. Pline, liv. VI, ch. XXI.