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portance d’Arabia Felix diminua ; ce fut néanmoins un point de relâche fréquenté ; mais, au temps de l’auteur du Périple, cette ville avait été récemment détruite par un empereur romain qu’il désigne simplement par le titre de César[1]. On sait que la dénomination de César a été appliquée d’une manière spéciale aux douze premiers empereurs, les uns parce qu’ils appartenaient à la famille de Jules César, les autres parce que leur famille était originaire de Rome. Les savants qui font remonter la rédaction du Périple au Ier siècle de notre ère ont vu, dans cette expression, une confirmation de leur opinion, et, par César, ils ont entendu, ici, Claude ou quelque autre prince d’une époque voisine. Mais, après les douze premiers empereurs, les Romains continuèrent à donner à leurs princes le titre de César ; souvent même ils ne l’appelaient pas autrement. C’est le plus souvent par ce seul mot que Pline le Jeune désigne Trajan dans son Panégyrique. La dénomination de César, pour désigner les empereurs romains et byzantins, se répandit jusque dans l’Orient le plus reculé, et on la retrouve chez les écrivains syriaques, arabes, persans, turcs et même chinois[2]. Quant au fait de la destruction d’Arabia Felix par les Romains, il n’a rien que de très-simple. Les Romains faisant un riche commerce dans les mers orientales, il devait s’élever de temps en temps des conflits ; peut-être Arabia Felix avait donné refuge à des pirates. Le prince qui fit détruire Arabia Felix est probablement Septime-Sévère[3].

  1. Καῖσαρ
  2. Le mot César se trouve chez les écrivains syriens du temps du Périple. (Voyez le Recueil des actes des martyrs de Perse, par Assemani, t. I, passim.) Quant aux témoignages chinois, voyez le mémoire de M. Pauthier sur l’authenticité de l’inscription chinoise de Singan-fou, Paris, 1857, p. 32. La forme chinoise est Kai-sa. On peut faire observer qu’ordinairement, en grec, le mot Καῖσαρ est précédé de l’article.
  3. En effet, il est dit par Eutrope (l. VIII, ch. XVIII) que Septime-Sévère fit la conquête de l’Arabie et la réduisit en province romaine. Voyez aussi le traité d’Aurelius Victor, intitulé De Cæsaribus. Septime-Sévère, du reste, s’était acquis des titres particuliers à l’affection des provinces orientales de l’empire. (Voyez le volume que M. Amédée Thierry a récemment publié sous le titre de Tableau de l'empire romain, Paris, 1862, in-12, p. 170.)