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mythologique qui paraisse plusieurs fois dans les peintures des catacombes chrétiennes. Les Pères de l’Église se sont persuadé qu’Orphée avait été l’élève de Moïse ; ils ont vu en lui une « figure », ou plutôt une « préfiguration » de Jésus, parce que lui aussi, venu pour enseigner les hommes, avait été à la fois leur bienfaiteur et leur victime. Un empereur plaçait la statue d’Orphée dans son laraire, à côté de celle du Messie chrétien. C’est qu’entre l’orphisme et le christianisme il y avait des analogies si évidentes, si précises même qu’on ne pouvait les attribuer au hasard ; on supposa une ancienne communauté d’inspiration.

La critique moderne cherche l’explication de ces ressemblances ailleurs que dans l’hypothèse aventureuse d’une intimité entre Moïse et Orphée. Elle reconnaît, d’ailleurs, que l’orphisme n’a pas seulement des traits communs avec le judaïsme et le christianisme, mais avec d’autres religions plus lointaines, comme le buddhisme, et même avec les croyances tout à fait primitives de sauvages actuels. Si l’on trouve, en y regardant de près, un peu d’orphisme dans toutes les religions, c’est que l’orphisme a mis en œuvre des éléments qui leur sont communs à toutes, puisés au tréfond de la nature humaine et nourris de ses plus chères illusions.

Un petit livre qui prétend résumer les religions et leur histoire ne saurait invoquer de meilleur patron qu’Orphée, ce fis d’Apollon et d’une Muse, poète, musicien, théologien, mystagogue et interprète autorisé des dieux.

Après avoir motivé mon titre, quelques mots suffiront pour indiquer la méthode que j’ai suivie.