Page:Reinach - Manuel de philologie classique, t. 1, 1907.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée
363
EXÉGÈSE MYTHOLOGIQUE.

§1. — MYTHOLOGIE COMPARÉE.

Objet de la mythologie comparée’. — 1. Les Grecs et les Romains n’ont pas inventé leurs mythologies, non plus que leurs langues. Ils les ont reçues l’une et l’autre, en même temps que les Perses, les Celtes, les Slaves et les Germains, de leurs ancêtres communs, les Âryas de l’Inde . De même que la grammaire comparée étudie les familles de langues, la mythologie comparée étudie les familles de religions, et cherche à retrouver dans les Védas la religion primitive de la race aryenne, source du polythéisme grec et romain, comme des mythologies des cinq familles congénères’.

2. La mythologie comparée va plus loin encore. Après avoir ramené le polyihèisine à sa source la plus haute, elle cherche le secret même de son origine dans les foimes du langage et les confusions auxquelles il donne lieu*. Cette méthode originale, qui considère la mythologie comme une maladie du langage, a été résumée par Max Mûller dans le fameux axiome qu’Eugène Burnouf aimait déjà à répéter : Noniina numina.

Nécessité de l’exégèse chez les Anciens. — Dans l’antiquité, la mythologie et la religion sont choses distinctes, souvent même contradictoires’. Le sentiment religieux, né de la conscience mo-

1. Je dois beaucoup pour ce qui suit à un bel essai de Léo Joubert, Rev. Enrop., fév.1860.

2. La mytliologie aryenne est double. Elle est l’œuvre du sens interne et de la perception extérieure, facultés distinctes qui ont produit des ordres d’idées tous différents. Du sens intérieur est née la religion des morts, fondement de la famille et de la cité ; de la perception extérieure dérive la mythologie naturaliste, qui prête une forme humaine aux forces personnifiées de la nature. Il y a là pour ainsi dire deux mythologies, dont l’une répond à l’énigme de la mort, l’autre à l’énigme de la vie universelle. Pendant toute l’antiquité, elles ont coexisté sans se confondre : le christianisme les a conciliées. — Cf. Fuslcl, Cité antique, liv. I. et l’analyse de cet ouvrage, liv. X, p. 214.

3. Sur la mythologie germanique et Scandinave, voy. Geffroy, Rome et les Barbai-es, 1874, qui donne une bibliograpliie très étendue.

4. « Nous croyons que, s’il était possible de connaître l’idiome parlé par le premier groupe d’hommes de chaque race, la nature de* dieux qu’ils adoraient nous serait révélée par les noms qu’ils leur donnaient, et le simple énoncé des mythes en serait en mô.ne temps l’explication. . Combien a dû êlre grand l’empire du lan.’age dans le temps où chaque mot était une image, chaque substantif un être animé, chaque verbe un acte physique ? Le phénomènes de la nature, reflétés par la langue, prenafent l’aspect descènes dramatiques. » (Bréal.) Il est bien entendu qu’on ne peut expliquer ainsi que les attributs des divinités cl leurs généalogies : le sentiment du divin, qui est comme la matière dont la mythologie est la forme, n’a pu êlre donné à l’homme ni par l’impression du monde e.téricur ni par les imperle lions de son langage. Ce sentiment ne vient pas du dehors, mais du dedans.

5. Ce point a été développé avec beaucoup de force par Max Mûller, Science du langage, n’juv. leç., t. II, p. 147 sqq.j Ménard, la Morale avant les philosophis, lS6.’ï ; Havet, le Christianisme et les origines, 1875. Cf. le beau livre de Girard, le Sentiment religieux chez les Grecs d’Homère à Eschyle, 1839. — Xénopliane, pour ne citer que lui, a écrit ces lignes dignes de la Bilde : eT ; Oîô ; =’v te 0 ; —/.t : ■/’/.’•. àvOjùîroim •^î^iatoi — oJ ti Se’iia ; 6vtitoT » tv oiAoiïoî oùiâ v<)Ti ; j.a (ap. Glém. Alex., Strom., 5, 14, § 110).