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soldats de Guillaume II. Tel est l’extraordinaire changement que les événements de quelques jours ont produit. La semaine passée, des millions d’hommes qui n’aiment pas l’Allemagne pouvaient encore souhaiter son succès, dans l’espoir qu’une victoire allemande serait la ruine de l’autocratie russe. Aujourd’hui, ceux qui ont uniquement pensé à la Russie doivent souhaiter que la guerre mondiale prenne un autre cours. Partisans de la liberté russe, c’est pour le succès des Alliés qu’ils doivent prier.

« Si le gain moral pour les Alliés est énorme, le bénéfice pratique n’est pas non plus négligeable. Il est aujourd’hui avéré que l’action de l’Entente a été contrariée dans ces derniers temps par la crainte d’une paix séparée, imposée à la nation russe par la camarilla de la Cour. On sait que la mission de lord Milner à Pétrograd avait pour but, d’une part d’écarter ce péril, de l’autre de travailler à l’apaisement des troubles intérieurs qui paralysaient l’énergie russe. Les Alliés d’Occident sont délivrés de cette double inquiétude. Ils peuvent compter non seulement sur la fidélité de la Russie, mais sur ses loyaux efforts. On peut objecter que l’indifférence de l’ancien régime à la victoire a été quelque peu exagérée. Après tout, la Russie a combattu pendant trente-deux mois et a rendu des services considérables aux Alliés. Est-ce qu’une organisation absolument mauvaise aurait pu produire des effets aussi utiles ?… Nous répondrons que les efforts de la Russie au service de la cause commune ont été l’œuvre non du gouvernement, mais du peuple. Sans le travail de la Russie nouvelle, celui de la Douma, des municipalités, des zemstvos, c’eût été, il y a longtemps, l’effon-