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histoire de la révolution russe

tenons compte des étrangers établis chez nous qui ont pâti sous les verges de l’autocratie russe — Polonais et juifs, Finnois, Lithuaniens, et ces fils de la Russie elle-même qui ont payé de l’exil leur rêve de liberté — la merveille, c’est que notre prétendu pro-germanisme ne se soit pas montré bien plus fort. Des centaines de milliers d’hommes, aux États-Unis, ont épousé la cause des Alliés parce qu’ils ont concentré leurs regards sur la France, la Belgique, la Serbie, et qu’ils ont refusé de regarder la Russie, ou n’ont consenti à fixer leurs espérances que sur la Russie future. Ils n’ont plus besoin aujourd’hui de faire effort pour ne point voir. La Russie de l’avenir est sous leurs yeux.

« Mais ce qui vient de fortifier la cause des Alliés, c’est plus encore qu’une purification. La Révolution de Pétrograd a immensément accru les objets pour lesquels les Alliés combattent, au point de faire presque oublier les buts originaux de la guerre. Parmi les nations qu’il s’agit de sauver, il y a maintenant la Russie elle-même, un peuple de cent soixante-dix millions d’hommes, avec des possibilités de développement, au profit de la civilisation et du monde, qui font presque paraître insignifiantes la Belgique et la Serbie. La conservation et l’extension des libertés si rapidement conquises en Russie sont maintenant liées pour toujours à la cause des Alliés. Une victoire germanique signifierait aujourd’hui la ruine de la Russie libre. Les hommes qui ont fait la Révolution ont employé, comme leur levier le plus puissant, le désir intense de la Russie d’être victorieuse. La défaite serait suivie immédiatement d’un retour triomphal du tsarisme, avec ou sans l’aide des