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indemnités d’aucune sorte ». Croyant alors parvenir à détacher la Russie de l’Entente, ce qui pourrait signifier la ruine de l’une et de l’autre, les Empires centraux, l’Autriche-Hongrie tout d’abord (15 avril), ont protesté de leurs sentiments de bienveillance pour la révolution russe, se sont défendus du soupçon de vouloir rétablir l’autocratie et ont chargé des socialistes « domestiqués » de s’aboucher avec les socialistes russes pour obtenir une paix séparée sur les bases indiquées par Kerensky. Un révolutionnaire russe exilé en Suisse, Lenine, a même reçu toutes facilités du gouvernement allemand pour traverser l’Allemagne et venir prêcher à Pétrograd la haine de l’Angleterre, la nécessité pour la Russie de conclure une paix immédiate. Un instant, le danger, peut-être exagéré par les journaux, a paru sérieux ; des délégations de socialistes anglais et français se sont rendues à Pétrograd pour instruire les soldats russes du piège qu’on leur tendait ; Branting, le leader socialiste suédois, ami de l’Entente, et Plekhanov, démocrate socialiste revenu d’exil, s’employèrent éloquemment dans le même sens. Lénine fut hué au cours de plusieurs réunions et d’une touchante démonstration des invalides de la guerre qui se déroula dans les avenues de Pétrograd. On réclama même une enquête au sujet des facilités qu’il avait reçues du gouvernement allemand pour son voyage. Les extrémistes russes avaient — un peu naïvement — invité les Allemands et les Autrichiens à faire comme eux, à se débarrasser de leurs empereurs et rois, moyennant quoi ils seraient traités en amis ; le spectacle du socialisme allemand, passé presque entièrement au service du pouvoir et répudiant la forme républicaine, leur ouvrit les yeux. Causant