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histoire de la révolution russe

au lieu de s’en servir. La foule applaudit. Des soldats sortirent des casernes pour appuyer les cosaques ; mais ce n’était plus l’armée prétorienne de 1905. Il ne restait, dans la capitale, que peu de soldats de métier ; presque tous étaient des soldats-citoyens, attendant leur tour d’aller au front. Ils commencèrent à fraterniser avec les grévistes et à échanger des plaisanteries avec les badauds.

La Douma, sur la proposition de Milioukov, demanda à l’unanimité que le ravitaillement des grandes villes fût confié à l’union des municipalités et des zemstvos, chargés aussi de pourvoir aux distributions. L’administration vit dans ce vote un blâme et une menace. Aussi, le jour même, le tsar, qui était au quartier général, signa deux ukases, suspendant depuis le 11 mars jusqu’à la fin d’avril les séances du Conseil et de la Douma. Protopopov se faisait fort, avec quatre mille policiers et un millier de mitrailleuses, de mettre les émeutiers à la raison (10 mars).

La journée du 11 fut décisive. De longs cortèges prirent la direction du Palais d’Hiver, avec l’intention, disait-on, d’y mettre le feu. La police tira des salves meurtrières ; mais des troupes appelées en hâte refusèrent de faire usage de leurs armes. La police exaspérée n’en tira qu’avec plus de rage ; les mitrailleuses placées sur les toits entrèrent en action et la bataille des rues commença pour durer deux jours.

La Douma était sur le point d’obéir à l’ukase et de se disperser, car l’immense majorité des députés ne voulait pas de révolution en temps de guerre, lorsqu’une délégation des trente mille soldats de Pétrograd, comprenant des régiments de la garde, se présenta pour demander des instructions. Rod-