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mais le fait que Rennenkampf ne tenta rien, battit simplement en retraite, put autoriser, dès le mois de septembre, de graves soupçons.

Puis ce fut l’affaire de Lods (25 novembre 1914), où la négligence du même Rennenkampf sauva d’un désastre deux corps d’armée allemands, enveloppés par l’habile stratégie du grand-duc Nicolas. Cette fois encore, l’opinion fut profondément troublée.

Enfin, lorsque les armées russes, attaquées en force sur la Dunajec, durent battre en retraite faute de munitions et de fusils pour armer les recrues, lorsque toute la Pologne et les forteresses du Niémen tombèrent aux mains de l’ennemi, personne n’incrimina le grand-duc Nicolas, qui montra des qualités militaires supérieures, mais personne ne douta plus qu’il était trahi, comme la Russie elle-même. L’arrestation et l’exécution du colonel Miassoyedov (mai 1915) donna une sanction officielle à ces bruits. Le général Polivanov remplaça le ministre Soukhomlinov qui n’avait cessé de dire que la Russie avait d’amples provisions d’armes, qui avait refusé des millions de fusils offerts par l’Angleterre et tout à coup avouait que les arsenaux étaient presque vides (4 mai 1915). Des dizaines de milliers de Russes, envoyés au front, durent se défendre avec des bâtons, offrir leurs poitrines nues à des pluies d’obus. Quand l’incurie se double ainsi de mensonge, elle ressemble singulièrement à la trahison.