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histoire de la révolution russe

Un blâme contre le ministre fut voté par 143 voix contre 84.

Le ministre de la Guerre, le néfaste Soukhomlinov, ne fut pas moins maltraité ; on dénonça (juin 1914) les caprices de l’avancement, les gaspillages et les vols de l’intendance. La moitié des chaussures fournies à l’armée étaient inutilisables ; quarante-cinq pour cent des chevaux achetés devaient être réformés presque aussitôt ; alors qu’il n’y avait que trois cent trente généraux en France, la Russie en payait seize cent cinquante-sept, la plupart ignorants et n’ayant jamais rien vu de la guerre. Le ministre lui-même ne connaissait rien du service actif ; mais il obligeait les cercles militaires à s’abonner à la Zemstchina, feuille d’extrême-droite non seulement hostile à la Douma, mais à l’entente avec la France et l’Angleterre. Les leçons de la guerre japonaise avaient sans doute profité au matériel, mais le personnel était resté aussi mauvais.

La Douma fut prorogée du 27 juin jusqu’au 28 octobre. Les grèves se multiplièrent d’une manière alarmante. Le 2 juillet, grève de deux mille ouvriers de Poutilov ; puis, à partir du 17, recrudescence telle qu’on a pu y soupçonner plus tard les excitations d’agents étrangers. À Pétersbourg seul, il y eut cent quarante mille grévistes. Le 19, la police en arrêta plusieurs centaines, ce qui ne fit qu’accroître le mouvement. Le 22, les cosaques firent usage de leurs revolvers, tuant cinq ouvriers, en blessant un très grand nombre. À Moscou et dans le Caucase, des grèves répétées éveillaient l’idée d’un essai de mobilisation du prolétariat contre le gouvernement et attestaient, dans les classes ouvrières, un pouvoir d’organisation et de discipline