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histoire de la révolution russe

laient avec déférence chaque fois qu’il se présentait dans une ville, « alors que son nom est associé aux vices et aux crimes les plus infâmes », disait le prince Mansyrev, député cadet. Le procès Beïlis donna lieu aussi à des scènes violentes (mai 1914) : « Vous avez laissé échapper le vrai coupable, dit Milioukov, et vous avez tenu pendant deux ans un innocent en prison ! » Le tumulte qui s’ensuivit eut pour résultat la démission du vice-président progressiste, qui fut remplacé, à la presque unanimité, par l’octobriste Protopopov. C’était un homme d’origine modeste, enrichi par son mariage et par des entreprises industrielles ; il était maréchal de la noblesse de Samara et semblait acquis aux idées libérales dont il devait si prestement se détourner plus tard.

On n’attaqua pas avec moins de violence le ministre de l’Instruction publique, Kasso, qui restait en fonctions grâce à son rôle de bas policier et malgré les scandales de sa conduite. « Les favoris de ce ministre, dit Novokov, sont des ignares ; l’un d’eux, employé à Novorossysk, se plaît à initier les jeunes filles aux attraits du Décaméron et aux questions traitées dans les livres catholiques à l’usage des confesseurs. Nous pensons, concluait l’orateur, que le peuple russe secouera bientôt le joug honteux qui l’opprime et que les générations futures seront préservées du pouvoir irresponsable d’un ministre qui préfère des espions et des cabinets particuliers à la cause sacrée de l’instruction populaire, d’un ministre dont la conscience est marquée d’une tache indélébile par le jeune sang que sa perversité a fait couler » (allusion à une affaire de mœurs qui, sous tout autre régime, aurait fait chasser Kasso de l’administration qu’il dirigeait).