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ROMANS ET SATIRES


Religieuse que Diderot écrivait en pleurant, furent-ils alors envoyés au marquis ? Grimm ne le dit pas et il est probable que Diderot n’en fit rien. En effet, huit ans après, quand Croismare revint à Paris en se proposant de prendre « mille informations sur l’infortunée qui l’avait tant intéressé », le hasard voulut qu’à sa première visite chez une amie de Mme d’Épinay qui avait été du complot, il rencontrât précisément Mme Madin ; très ému et les larmes aux yeux, il l’interroge vivement : Mme Madin ne sait qu’entendre, l’amie éclate de rire et « ce fut alors seulement le moment de la confession générale et du pardon ».

Peu d’anecdotes, même au xviiie siècle, sont plus piquantes ; quant au roman, il tient tout entier entre un fait divers authentique et un dénouement escamoté, dans le tableau des deux couvents où la Religieuse a été enfermée et qui doivent donner comme la synthèse de la vie monacale des femmes. Suzanne est une enfant de seize ans, vouée au cloître par une mère coupable et qui, obstinément rebelle à la vocation religieuse, brûlée de la soif de vivre, se trouve successivement exposée aux persécutions les plus cruelles et aux pires tentations. Innocente, mais d’une innocence à qui rien d’horrible n’échappe et qui fait frémir, elle porte au couvent l’âme d’un encyclopédiste en révolte ; la première question qu’elle se pose, « c’est pourquoi, à travers toutes les idées funestes qui passent par la tête d’une religieuse désespérée, celle de mettre le feu à la maison ne lui