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DIDEROT.


tion, plus brillante. Il avait joui avec délices du pressentiment de l’avenir ; l’avenir a dépassé ses plus joyeuses espérances ; ce devint un crime de ne pas l’admirer comme il voulait lui-même qu’on admirât Rubens et Homère, avec la défense de « relever des guenilles dans un chef-d’œuvre ». Et peut-être même serait-il temps d’y prendre garde, car il y a des guenilles, même dans les romans et les dialogues qui ont fait le plus pour sa gloire contemporaine, et il serait prudent, ne fut-ce que par crainte des réactions, de faire largement la part du feu.

Si l’on entend par roman, comme le voulait Huet, « des histoires feintes d’aventures amoureuses, écrites en prose avec art pour le plaisir et l’amusement des lecteurs », seule, dans l’œuvre de Diderot, la Religieuse mérite ce titre. Le Neveu de Rameau porte, en effet, le sous-titre de satire ; Jacques le Fataliste n’appartient à aucun genre classé ni même classable, et quant au seul de ses ouvrages de fantaisie qu’il ait publié de son vivant, le mieux est de n’en rien dire. Diderot qualifiait lui-même les Bijoux indiscrets de « sottise » et de « cloaque » ; ajouterai-je seulement que cette série de contes obscènes est, après les mémoires de Sully, le livre le plus ennuyeux que je connaisse ?

Aussi bien, au roman comme au théâtre, l’imagination créatrice lui fait totalement défaut et la fiction ténue qui lui sert de trame n’est-elle, sauf des exceptions très rares, qu’un prétexte à théories, à analyses et, naturellement, à déclamations. Il reste