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DIDEROT.


fanatisme stupide, contre des pharisiens, contre une religion d’État qui ne ressemblait pas davantage à l’Évangile que jadis le cléricalisme de la Jérusalem romaine à la morale des prophètes. Les principes éternels qui font la beauté de la morale évangélique, non seulement les philosophes ne les condamnent pas, mais leur crime est précisément de les revendiquer soit qu’ils opposent la tolérance à l’oppression, soit qu’ils rappellent aux puissances consacrées les droits des humbles et des petits. Seulement, la différence essentielle est là, ils ne se résignent point. Ils ne contestent point qu’il faut rendre à César ce qui est à César. Mais ils demandent à quoi César a réellement droit. La Révolution est, tout entière, dans cette question.

Le rationalisme, c’est-à-dire le libre emploi de la raison et du raisonnement dans l’étude de tous les problèmes, tel est donc le caractère dominant de l’école encyclopédique. Elle ne dit point que la raison soit infaillible ; mais elle tient que la faiblesse de la raison ne peut être constatée que par la raison elle-même, et refuse en conséquence d’admettre d’autre principe de la connaissance. Dans le domaine de la religion, l’esprit encyclopédique oppose ainsi, par cela seul qu’il est l’esprit de liberté, la raison, toute débile qu’elle puisse être, à la révélation qui est l’abdication de la raison, et, dans le domaine politique ou social, la raison, encore et toujours, à la tradition. Tant pis pour les religions ou pour ces parties de la religion qui reposent exclusivement