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DIDEROT.


libelles ; Fréron ne tarit plus ; Palissot traîne les Philosophes jusque sur la scène de Molière. Mais la fureur même de cette nouvelle campagne va contribuer à retourner les pouvoirs publics ; bientôt Choiseul déclare la guerre aux Jésuites, et, moins de trois ans après la révocation du privilège de l’Encyclopédie, le parlement de Paris prononce la dissolution de la société se disant de Jésus, la proclame déchue de sa première admission, enjoint à ses membres de vider leurs maisons et collèges sous huitaine. L’Encyclopédie n’était pas seulement vengée, mais, de persécutée, elle devenait, sinon l’inspiratrice, du moins l’alliée du pouvoir. La patience de Diderot, cette fidélité à son œuvre, meilleure, a-t-on pu dire, que l’œuvre elle-même, était récompensée avec éclat. Son monument s’achevait et ses ennemis étaient chassés.

Une dernière amertume lui était cependant réservée. Au moment même où le gouvernement se relâchait de ses sévérités, l’imprimeur Le Breton, crainte d’être inquiété, s’était érigé lui-même en censeur de l’Encyclopédie et, après le bon à tirer de Diderot, s’était livré en secret à une véritable mutilation de ses articles, supprimant, modifiant, rognant, tronquant d’une main imbécile toutes les idées un peu hardies qui l’effrayaient. Ayant eu à rechercher quelque chose dans l’un de ses articles déjà tirés. Diderot découvrit la trahison ; il pensa en tomber malade et entra dans une furieuse colère. Il voulut même se retirer