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L’ENCYCLOPÉDIE.


tage qu’on pourrait retirer de l’Encyclopédie pour le progrès des sciences et des arts ne saurait balancer le tort irréparable qui résulte d’un tel ouvrage pour les mœurs et pour la religion », il en appelle au conseil d’État dans l’intérêt des libraires. Quand un nouvel arrêt, rendu le roi étant en son conseil et de l’avis du chancelier, et signé encore Phélypeaux, « ordonne aux libraires de restituer la somme de soixante-douze livres à chacun de ceux qui ont souscrit d’avance pour le dictionnaire », il promet à Le Breton que pas un liard ne lui sera réclamé et le décide à préparer dans le secret, pour les lancer ensuite à la fois, les dix derniers volumes de texte et la collection complète des planches. Le nouveau traité qu’il signe avec les libraires n’a plus rien d’avantageux pour lui : « C’est celui du diable et du paysan de La Fontaine ; les feuilles sont pour moi, le grain est pour eux » ; mais au moins ces feuilles lui sont assurées. Il s’est juré d’achever l’Encyclopédie à Paris ; il se tiendra parole, repousse obstinément les propositions du roi de Prusse et de l’impératrice de Russie qui lui offrent de transporter son entreprise à Pétersbourg ou à Berlin.

Sans vouloir diminuer le mérite de Diderot dans cette crise, il convient pourtant de ne pas la prendre trop au tragique. En fait, l’Encyclopédie ne fut supprimée qu’officiellement, pour la galerie, et la révocation du privilège n’en arrêta pas le travail pour plus de six mois. Dès l’automne de 1759, au