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L’ENCYCLOPÉDIE.


rends pères tenaient surtout à hériter des philosophes qu’ils assassinaient. Les compilateurs du dictionnaire de Trévoux avaient à peine obtenu l’arrêt royal, qu’ils réclamèrent l’autorisation de continuer à leur profit l’Encyclopédie. L’idée n’était pas mauvaise, « bien qu’il fût moins facile d’enlever à Diderot sa tête et son génie que ses papiers[1] », mais elle avait été dévoilée trop vite, avec une impudence vraiment trop hâtive. Ce ne fut plus seulement l’opinion qui s’indigna ; le roi se crut joué et Diderot fut engagé « à reprendre un ouvrage inutilement tenté par des gens qui depuis longtemps tiennent la dernière place dans la littérature ».

Nécessairement, ce ne fut qu’une trêve. D’une part, encouragés par le succès, « si toutefois l’humiliation d’un tas d’ennemis aussi méprisables peut flatter des philosophes », Diderot et d’Alembert donnèrent à leur entreprise une impulsion plus vigoureuse ; ce fut l’époque la plus brillante de l’Encyclopédie, celle où arrivaient de toutes parts les plus précieux concours, ceux « des vrais doctes quoique docteurs[2] », où les salons mirent la science investigatrice à la mode, où, à Versailles même, la marquise de Pompadour se targuait, comme de la plus flatteuse galanterie qui lui eût été faite, de ce compliment de Voltaire : « Elle est des nôtres ». Mais, d’autre part, la Société de Jésus préparait

  1. Grimm, Correspondance, I, 81.
  2. Voltaire, Siècle de Louis XV, p. 496.