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L’ENCYCLOPÉDIE.


leurs failles, leurs crimes, leurs espérances brisées. Et c’est encore la condamnation du régime, c’est-à-dire encore et toujours la Révolution.

Aussi Diderot et d’Alembert ont beau rivaliser de circonspection et de diplomatie, dissimuler leurs ambitions et leurs négations, étaler partout, à chaque volume, sous les articles « dangereux », les signatures rassurantes de l’abbé Mallet, de l’abbé Yvon et de l’abbé La Chapelle : leur pensée intime n’en rayonne pas moins sur toute l’Encyclopédie et c’est une pensée de destruction. Confus de ses ruses et des basses précautions qu’il doit prendre, Diderot écrit à Voltaire : « Le temps fera distinguer ce que nous avons pensé de ce que nous avons écrit ». Le temps ne se fit pas attendre, et, tout de suite, le ministère, l’Église et les Jésuites distinguèrent sous ce qu’il écrivait ce qu’il pensait. Invinciblement, par la seule force des idées qui sont en elle, l’Encyclopédie est ainsi et dès le premier jour autre chose qu’un dictionnaire : elle est une faction, l’école de la grande démolition, le cheval de Troie introduit dans la vieille société. Et, par conséquent, c’est la guerre.

Le premier acte d’hostilité des autorités constituées suivit de près le premier volume de l’Encyclopédie. Dès qu’il parut, et, pour être exact, avant même qu’il fût sorti des presses, les Jésuites, avec leur perspicacité habituelle, avaient poussé un cri de fureur ; M. de Mirepoix, qui était leur homme et qui avait un grand crédit ecclésiastique sur l’es-