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DIDEROT.


J.-B. Leroy et Donnet. L’armée enfin a jusqu’à ses aumôniers, l’abbé Yvon, l’abbé Bernier et l’abbé Mallet, assignés, par précaution, à la garde de la métaphysique orthodoxe et de la théologie ; jusqu’à ses vivandières, les grandes dames et les couturières qui rédigent les articles sur les modes et la toilette, et, pour tout dire, jusqu’à ses goujats dont les articles, « bons pour le Journal de Trévoux », finiront par exaspérer Voltaire et par faire comparer l’Encyclopédie, dans une boutade de d’Alembert, à un habit d’arlequin où il y a nombre de morceaux de bonne étoffe, mais aussi beaucoup de haillons.

Telle est cette légion bariolée et la voici enfin en marche, vers le printemps de 1751, mais non sans avoir eu à subir, au cours de sa mobilisation, un premier accident, « l’impression était décidée, les rôles distribués et les matériaux en grande partie rassemblés », lorsque la publication de la Lettre sur les Aveugles, au mois de juillet 1749, s’ajoutant à des rancunes féminines[1], avait valu « au sieur Diderot, accusé d’avoir écrit pour le déisme et contre les mœurs », une villégiature forcée au donjon de Vincennes. Les libraires aussitôt d’intervenir auprès de d’Argenson, « suppliant Sa Gran-

  1. Mme de Vandeul a raconté l’anecdote dans ses mémoires sur son père. « Une plaisanterie de Diderot ayant déplu à Mme Dupré de Saint-Maur qui paraissait aimable à M. d’Argenson, alors ministre de la guerre, elle s’irrita », et, quelques jours après, le 21 juillet 1749, un commissaire, nommé Rochebrune, était venu perquisitionner chez Diderot et le conduire à Vincennes.