Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
DIDEROT.


deux généraux de la légion encyclopédique, la raison sereine qui domine tout, la passion débordante qui réchauffe tout.

Et quel état-major à leurs côtés, autour d’eux ! D’abord, Voltaire lui-même, le roi Voltaire, qui s’est enrôlé des premiers, dont le rire sonne comme un clairon et qui, dans son ardeur toujours plus juvénile à mesure qu’il vieillit, ne trouve jamais le mouvement assez rapide, la fusillade assez nourrie. Montesquieu vient ensuite, déjà frappé de mort, promettant plus qu’il ne peut tenir, mais qui n’a pas voulu manquer à l’appel et laissera en mourant l’admirable article sur le Goût. Puis Rousseau, qui a pris pour sa part la théorie et la pratique de la musique ; Buffon le superbe, avec son inséparable Daubenton, à qui l’histoire naturelle revient de droit ; le jeune Turgot, modeste autant que profond, qui apporte, sous l’anonyme, ses riches études sur la linguistique, l’administration et l’économie politique naissante ; d’Holbach et Duclos ; l’infatigable chevalier de Jaucourt qui lit, dicte et écrit de treize à quatorze heures par jour, que « Dieu fit pour moudre des articles » et dont la physionomie s’allongera lamentablement quand on lui annoncera la fin de son travail, matelot désolé de toucher terre ; Marmontel et Morellet, La Condamine et le président de Brosses, Quesnay le physiocrate qui porte trois fleurs de pensée dans son blason, Georges le Roy et Forbonnais. À chaque volume, devant le front de chaque nouveau régi-