Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
L’ENCYCLOPÉDIE.


ont porté si loin les sciences et les arts, n’étaient pas instituées. » Au contraire, au moment où Diderot acceptait les propositions des libraires et résumait dans le Prospectus les idées directrices de l’Encyclopédie, l’humanité, riche des progrès immenses accomplis depuis trois siècles, atteignait dans sa marche l’un de ses tournants d’où il était possible enfin d’embrasser d’un regard « le vaste latifundium du règne philosophique », de résumer les milliers de détails infinis qui s’étaient accumulés depuis l’origine des sociétés, et de distinguer, du sommet où l’on était parvenu, « les liaisons éloignées ou prochaines », mais jusque-là inconnues ou seulement soupçonnées, « des êtres qui composent la nature et qui ont occupé les hommes ». Ce que le « génie extraordinaire de Bacon » avait rêvé au xvie siècle, préparer et hâter l’avenir par l’inventaire du passé, l’heure était venue de le réaliser. Le mérite de Diderot fut de l’avoir compris, d’avoir saisi au vol le moment précis où faire un corps général des connaissances innombrables, mais encore fragmentaires, qui attendaient un système et une interprétation, c’était donner à l’idée nouvelle, « non encore formulée » et seulement flottante, sa base d’opérations contre le passé. Diderot communique son enthousiasme à Le Breton. Il est convenu que l’imparfaite publication de Chambers ne servira que de point de départ ; l’auteur anglais « rentrera simplement dans la classe de ceux qui seront particulièrement consultés » ; mais l’Encyclopédie fran-