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DENIS DIDEROT.


puisse jamais le dominer ? En tout cas, il ne songe même pas à se défendre de ces variations et se flatte, au contraire, de n’avoir jamais connu la peur de se contredire. Il a constaté que, dans son pays de Langres, « les vicissitudes de l’atmosphère sont telles qu’on passe en vingt-quatre heures du froid au chaud, du calme à l’orage, du serein au pluvieux », et qu’il est impossible que ces effets ne se fassent pas sentir aux âmes. « La tête d’un Langrois est sur ses épaules comme un coq d’église au haut d’un clocher ; elle n’est jamais fixe dans un point ; et, si elle revient à celui qu’elle a quitté, ce n’est pas pour s’y arrêter. » Or « il est de son pays », et cette mobilité du climat se traduit chez lui, comme chez ses compatriotes, « par une même rapidité surprenante dans les mouvements, dans les désirs, dans les projets, dans les fantaisies et dans les idées ». Il écrit, ailleurs, à propos de ses portraits : « J’avais en une journée cent physionomies diverses, selon la chose dont j’étais affecté ; j’étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste ; j’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que, les impressions de mon âme se succédant trop rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouve pas le même d’un instant à l’autre. » Et, dès lors, tel le climat de sa terre natale ou telle sa physionomie, tels aussi son esprit, son talent, sa manière de comprendre les choses et de les rendre. Vivre pendant plusieurs mois ou, seulement, pendant quelques