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DIDEROT.


mansarde, il n’en éprouve aucune peine et, gaîment se remet à enfanter.

Avec cette bizarrerie qu’il recopie parfois, sans y changer une syllabe, telle page qui a déjà paru dans un précédent ouvrage, il a l’insouciance royale de ce que deviennent ses écrits. Grimm, Galiani et Raynal recevront de lui et signeront de leurs noms des volumes entiers dont la critique aura plus tard à rechercher la paternité. Quelques-uns de ses écrits les plus vantés ont circulé tout juste en copie dans les salons ; ceux de ses livres qui ont fait le plus pour sa gloire posthume n’ont été publiés que longtemps après sa mort. Diderot jette ses papiers qui voltigent à travers le monde « comme les feuilles de la Sibylle ». À la fin de cette vie d’un immense labeur où il a parcouru toutes les connaissances humaines et ouvert à l’esprit tant d’horizons nouveaux, s’il se plaint, ce n’est pas des honneurs qui ne sont point venus le chercher, mais de ce que, « sachant à la vérité un assez grand nombre de choses, il n’y a presque pas un homme qui ne sache la chose beaucoup mieux que lui ». Et il ne suffit pas assurément de fuir les aventures et de craindre les drames pour n’y point tomber ; mais ayant la sagesse de n’en pas avoir le goût, il a eu le bonheur d’y échapper pour se consacrer tout entier à « sa curiosité effrénée du monde ». La vie de Jean-Jacques est une tragédie, comme les Norvégiens n’en ont pas rêvé de plus sombre, et celle de Voltaire un roman comme l’auteur de Gil Blas n’en a pas écrit de plus