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PHILOSOPHIE.


l’étude des langues anciennes, c’est une grande question de savoir si elle vaut le temps qu’on lui consacre ; cette époque précieuse de la jeunesse ne pourrait-elle être employée à des occupations plus importantes ? « Soit raison, soit préjugé », il recule devant la solution radicale : « Peut-on devenir homme de grand goût sans avoir fait connaissance étroite avec les anciens ? Leur littérature n’a-t-elle pas une consistance, un attrait, une énergie qui feront toujours le charme des grandes têtes ? » Mais il tient que l’enseignement classique pourrait être abrégé considérablement et mêlé de beaucoup de connaissances utiles. Il ne supprime donc pas ces études, bien qu’elles ne soient d’une utilité absolue qu’aux poètes et qu’aux auteurs, « c’est-à-dire aux états de la société les moins nécessaires » ; mais il réduit le temps qui leur était consacré et il remplace les vieux exercices de composition, vers latins et narration, « qui gâtent le goût en accoutumant à des tours vicieux et barbares », par la traduction méthodique des bons auteurs ; — « traduire, toujours traduire », voilà la formule ; — cette étude, qui servait naguère de base aux autres, en deviendra désormais le couronnement. « En général, on a donné trop d’importance à l’étude des mots ; il faut lui substituer l’étude des choses. » — C’est, en germe, toute la théorie de l’enseignement professionnel ; Diderot en est ainsi le véritable père. — Il apporte enfin, dans la constitution de l’enseignement supérieur, les mêmes considérations utilitaires. S’il suffit de l’emporter des