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DIDEROT.


par successions, du mouvement, de la sensation, des idées, de la pensée, de la réflexion, de la conscience, des sentiments, des passions, des signes, des gestes, des sens, des sons articulés, une langue, des lois, des sciences et des arts ; qu’il s’est écoulé des millions d’années entre chacun de ses développements ; qu’il a peut-être encore d’autres développements à subir et d’autres accroissements à prendre, qui nous sont inconnus ; qu’il a eu ou qu’il aura un état stationnaire ; qu’il s’éloigne ou qu’il s’éloignera de cet état par un dépérissement éternel, pendant lequel ses facultés sortiront de lui comme elles y étaient entrées ; et qu’il disparaîtra alors pour jamais de la nature, ou, plutôt, qu’il continuera d’exister, mais sous une forme et avec des facultés tout autres que celles qu’on lui remarque dans cet instant de sa durée. »

En définitive, le temps n’est rien pour la nature ; « le philosophe doit se garantir du sophisme de l’éphémère, celui d’un être passager qui croit à l’immortalité des choses », — celui de la rose de Fontenelle qui disait que de mémoire de rose on n’avait vu mourir un jardinier, — et alors tout s’éclaire. « La génération première des animaux, objecte d’Alembert, ne se conçoit pas sans germes préexistants. — Si c’est, répond Diderot, la question de la priorité de l’œuf sur la poule ou de la poule sur l’œuf qui vous embarrasse, c’est que vous supposez que les animaux ont été originairement ce qu’ils sont à présent. Quelle folie ! On ne sait non