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DIDEROT.


individus sous toutes les faces possibles. « Quand on considère le règne animal et qu’on s’aperçoit que, parmi les quadrupèdes, il n’y en a pas un qui n’ait les fonctions et les parties, surtout inférieures, entièrement semblables à un autre quadrupède ; ne croirait-on pas volontiers qu’il n’y a jamais eu qu’un seul animal, prototype de tous les animaux, dont la nature n’a fait qu’allonger, raccourcir, transformer, multiplier, oblitérer certains organes ? » Il imagine ainsi les doigts de la main réunis et la matière des ongles si abondante que, venant à s’étendre et à se gonfler, elle enveloppe et couvre le tout : au lieu de la main d’un homme, n’aurez-vous pas le pied d’un cheval ? Dès lors, « quand on voit les métamorphoses successives de l’enveloppe du prototype, quel qu’il ait été, approcher un règne d’un autre règne par des degrés insensibles et peupler les confins des deux règnes (s’il est permis de se servir de ce terme de confin où il n’y a aucune division réelle), qui donc ne se sentirait porté à croire qu’il n’y a jamais eu qu’un premier être prototype de tous les êtres » ? Quant à l’agent qui a fait passer ce prototype d’une forme à l’autre, c’est le temps, le temps qui ne s’arrête pas et qui a su différencier à la longue, mais tout naturellement, les formes les plus anciennes, celles qui existent aujourd’hui et celles qui existeront dans les siècles les plus reculés. « Le nil sub sole novum n’est qu’un préjugé fondé sur la faiblesse de nos organes, l’imperfection de nos instruments et la brièveté de notre vie. » Mais la philo-