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PHILOSOPHIE.


fait, il n’y a qu’une forme ; « l’indépendance absolue d’un seul fait est incompatible avec l’idée de tout ; et, sans l’idée de tout, plus de philosophie ». Ce qui domine le monde, c’est l’unité essentielle des forces. « De même qu’en mathématiques, en examinant toutes les propriétés d’un nombre, on trouve que ce n’est que la même propriété représentée sous toutes ses faces ; de même on reconnaîtra, dans la nature, lorsque la physique expérimentale sera plus avancée, que tous les phénomènes, ou de la pesanteur, ou de l’élasticité, ou de l’attraction, ou du magnétisme, ou de l’électricité, ne sont que des faces différentes de la même affection. »

Voilà, avec l’unité démontrée ou pressentie des faits, une nouvelle étape, la plus considérable qui ait été franchie depuis Leibniz, dans la voie de la philosophie expérimentale et indépendante ; mais celle qui va suivre est plus décisive encore. Et certainement Lamarck, Goethe et Darwin apporteront à l’idée de l’unité des formes, qui découle, comme un corollaire, de l’idée de l’unité des forces, des vues, des preuves et des arguments nouveaux ; mais la théorie même du transformisme se dresse ici dans toute sa magique séduction.

Mis en éveil par la thèse du docteur Baumann que Maupertuis avait apportée d’Esclangen en France, Diderot croit d’abord s’apercevoir que la nature s’est plu à varier le même mécanisme d’une infinité de manières différentes et qu’elle n’abandonne un genre de production qu’après en avoir multiplié les