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DIDEROT.


ans, un siècle, le temps ne me fait rien. Lorsque le tout s’est transformé en une matière à peu près homogène, en humus, savez-vous ce que je fais ? — Je suis sûr que vous ne mangez pas de l’humus. — Non, mais il y a un moyen d’union, d’appropriation, entre l’humus et moi, un latus, comme dirait le chimiste. — Et le latus, c’est la plante. — Fort bien. J’y sème des pois, des fèves, des choux, d’autres plantes légumineuses. Les plantes se nourrissent de la terre et je me nourris des plantes. » Peut-être même y a-t-il plus encore que ce passage du marbre à l’humus, de la plante à la chair ; il est évident que la matière en général est divisée en matières mortes et en matières vivantes. « Mais comment se peut-il faire que la matière ne soit pas une, ou toute vivante, ou toute morte ? La matière vivante est-elle toujours vivante ? Et la matière morte est-elle toujours et réellement morte ? La matière vivante ne meurt-elle point ? La matière ne commence-t-elle pas jamais à vivre ? »

Tout le problème, encore pendant de l’hétérogénie, de la génération spontanée, est dans ces questions.

À ce Dieu qui vient d’être supprimé par un arrêt trois fois motivé comme cause première superflue, comme artisan inutile du monde, et comme force motrice encore moins indispensable, Diderot va-t-il chercher maintenant à substituer quelque autre prodige ou quelque autre force nouvelle ? Point du tout. Il n’y a dans l’immensité des faits qu’un seul