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PHILOSOPHIE.


mouvement, au contraire, est une qualité aussi réelle que la longueur, la largeur et la profondeur.


Et que m’importe ce qui se passe dans votre tête ? Que m’importe que vous considériez la matière comme homogène ou comme hétérogène ? Vous ferez de la géométrie ou de la métaphysique tant qu’il vous plaira ; mais moi qui suis physicien et chimiste, qui prends les corps dans la nature et non dans ma tête, je les vois existants, divers, revêtus de propriétés et d’actions, et s’agitant dans l’univers comme dans le laboratoire, où une étincelle ne se trouve pas à côté de trois molécules combinées de salpêtre, de charbon et de soufre, sans qu’il s’ensuive une explosion nécessaire.


Si la force n’est pas distincte de la matière, il n’y a au surplus qu’« une substance dans l’univers, dans l’homme, dans l’animal », substance, apparemment, qui est organisée de mille et mille façons diverses, mais dont l’origine, la formation et la fin, quelques aspects variés qu’elle revête, sont toujours les mêmes. « Je voudrais bien, interroge d’Alembert, que vous me disiez quelle différence vous mettrez entre l’homme et la statue, entre le marbre et la chair. — Assez peu, répond Diderot, car on fait du marbre avec de la chair et de la chair avec du marbre. » Et comme le mathématicien observe qu’il ne lui paraît pas facile de rendre le marbre comestible, le philosophe prend aussitôt la statue, la met dans un mortier, la pulvérise à grands coups de pilon. « Lorsque le bloc de marbre est réduit en poudre impalpable, je mêle cette poudre à l’humus ou terre végétale ; je les pétris bien ensemble ; j’arrose le mélange, je le laisse putréfier un an, deux