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DIDEROT.


tous les jours j’entends un savant dire à un autre : Vous m’avez volé mon idée. Combien il en tombe qui ne rencontrent point de tête !

Les armes de la science ainsi forgées, la métaphysique et la cosmogonie orthodoxes vont subir le plus redoutable assaut qu’elles aient encore essuyé. Dieu a déjà été banni du ciel comme une hypothèse encombrante et oiseuse ; au tour de l’âme maintenant à être chassée de la nature, où la force est identique à la matière et dont la matière est la seule substance.

Diderot, avec sa combativité ordinaire, quand même ses notes ne doivent pas sortir de son tiroir, démontre toujours en polémisant. Les philosophes officiels écrivent que, pour se représenter le mouvement, il faut imaginer, outre la matière existante, une force qui agisse sur elle. « Ce n’est pas cela, riposte Diderot, et la molécule, douée d’une qualité propre à sa nature, est par elle-même une force active ; elle s’exerce sur une autre molécule qui s’exerce sur elle. Tous ces paralogismes-là tiennent à la fausse supposition de la nature homogène. Vous qui imaginez si bien la matière en repos, pouvez-vous imaginer le feu en repos ? Or, dans la nature, tout a son action diverse comme cet amas de molécules que vous appelez le feu ; dans cet amas que vous appelez feu, chaque molécule a sa nature, son action. » Voici donc la différence vraie du repos et du mouvement ; c’est que le repos absolu est un concept abstrait qui n’existe point en nature, que le