Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
DIDEROT.


assemblés, mais encore obscurs, l’éclair soudain dont le passage dans le cerveau fait jaillir la vérité. L’admirable et majestueuse théorie de Claude Bernard sur les phases de la découverte est ainsi en germe, et plus qu’en germe, dans ces pages rapides et si longtemps méconnues ou oubliées de Diderot. Que l’art de l’investigation scientifique est la pierre angulaire de toutes les sciences expérimentales ; que l’expérimentateur doit douter, fuir les idées fixes et garder toujours sa liberté d’esprit ; que son objet est le même dans l’étude des phénomènes des corps vivants et dans l’étude des phénomènes des corps bruts ; que les erreurs dans les théories scientifiques ont pour origine le plus souvent des erreurs de fait ; que l’homme ne connaîtra jamais ni les causes premières ni l’essence des choses et que, dès lors, la méthode ne se rapporte qu’à la recherche des vérités objectives (le comment), non à celle des vérités subjectives (le pourquoi) ; que l’expérience n’est au fond qu’une observation provoquée dans le but de faire naître une idée ; que l’idée expérimentale est ainsi une idée a priori, que c’est l’intuition ou le sentiment qui engendre l’interprétation anticipée des phénomènes de la nature ; et que, par conséquent, la découverte est l’idée neuve qui surgit, comme une révélation subite, à propos d’un fait ; cette différence profonde entre l’observateur et l’expérimentateur, c’est-à-dire le savant parfait ; tous ces sommets que Claude Bernard a mis en pleine lumière dans son Introduction, Diderot les a entrevus