Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
PHILOSOPHIE.


semblent, au premier abord, renverser un système, « qui deviennent ainsi le supplice du philosophe, surtout lorsqu’il a le pressentiment que la nature lui en impose et qu’elle se dérobe à ses conjectures par quelque mécanisme extraordinaire ou secret ». Mais ces phénomènes, qui sont le plus souvent le résultat de plusieurs causes conspirantes ou opposées, achèvent, au contraire, quand ils seront mieux connus, de confirmer le système. Gardons-nous surtout de substituer à l’ouvrage de la nature la conjecture de l’homme et de nous aventurer par suite dans cette recherche des causes, dites générales, qui est partout contraire à la véritable science. « Qui sommes-nous, en effet, pour expliquer les fins de la nature ? Ne nous apercevons-nous point que c’est presque toujours aux dépens de sa puissance que nous préconisons sa sagesse ? » Donc le physicien, dont la profession est d’instruire et non d’édifier, abandonnera le pourquoi et ne s’occupera que du comment. « Le comment se tire des êtres, le pourquoi de notre entendement. » Laissons les causes pour ne parler que d’après les faits.

Suffit-il cependant de réunir et d’accumuler les faits, de cueillir des milliers de plantes, de ramasser des milliers de cailloux, de combiner sans nombre des gaz ou des métaux en fusion ? Après l’esprit de divination qui « subodore » les résultats ignorés, c’est ici qu’intervient dans toute sa force « le génie », l’idée qui donne la vie aux observations jusque-là inanimées, le trait de lumière qui illumine les faits