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PHILOSOPHIE.


dont la tête touche aux cieux et les racines pénètrent jusqu’aux enfers, où tout est lié, où la pudeur, la décence, la politesse, les vertus les plus légères, s’il en est de telles, sont attachées comme la feuille au rameau qu’on déshonore en le dépouillant » ; proclamant encore que « la vertu est une maîtresse à laquelle on s’attache autant par les sacrifices qu’on fait pour elle que par le charme qu’on lui voit » mais, le plus souvent, revenant à son opinion favorite que le sens moral est une chimère et que tout est affaire d’éducation et d’intérêt. Puisque, par malheur, il est encore impossible de ramener l’humanité aux forêts primitives et d’y vivre comme les bêtes ; puisque le jour béni est encore loin


Où ses mains ourdiraient les entrailles du prêtre,
Au défaut d’un cordon pour étrangler les rois,


il faut bien, en attendant, se résigner à avoir une morale, comme on a une police et une voirie, mais cette morale sera froidement expérimentale et utilitaire : « Le mal, ce sera ce qui a le plus d’inconvénients que d’avantages, et le bien ce qui a plus d’avantages que d’inconvénients. » Comme il ne cesse pas de déclamer par ailleurs que « tout ce qui porte un caractère de vérité, de grandeur, de fermeté, d’honnêteté, le touche et le transporte », il ajoute assurément que la vertu, tout compte fait, vaut toujours mieux. Mais que sera cette vertu dont l’utilité est la seule raison d’être ? L’utilité étant chose