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DIDEROT.


s’affirme à lui-même que « sa grand’mère radote avec son histoire de je ne sais quels habitants qui, dans je ne sais quel temps, abordèrent ici de je ne sais où, d’une contrée au delà des mers » :


Ne vois-je pas la mer confiner avec le ciel ? Et puis-je croire, contre le témoignage de mes sens, une vieille fable dont on ignore la date, que chacun arrange à sa manière, et qui n’est qu’un tissu de circonstances absurdes, sur lesquelles ils se mangent le cœur et s’arrachent le blanc des yeux ?


Or, tandis qu’il raisonnait ainsi, il s’endort, le flot soulève la planche, porte notre Mexicain en pleine mer et le dépose enfin sur une rive inconnue, « peut-être bien parmi ces habitants dont sa grand’mère l’avait si souvent entretenu ».


À peine eut-il quitté sa planche et mis le pied sur le sable, qu’il aperçut un vieillard vénérable, debout à ses côtés. Il lui demanda où il était et à qui il avait l’honneur de parler : « Je suis le souverain de la contrée, lui répondit le vieillard ; vous avez nié mon existence ? — Il est vrai. — Et celle de mon empire ? — Il est vrai. — Je vous pardonne parce que je suis celui qui voit le fond des cœurs et que j’ai lu au fond du vôtre que vous étiez de bonne foi. »


Diderot pense évidemment, et avec raison, que ses palinodies mêmes suffiraient à prouver sa bonne foi ; et il recommence à nier Dieu.

Dieu en moins, voyons maintenant ce que devient, dans le système de Diderot, « la loi morale au fond des cœurs et au-dessus de nous le monde étoilé ».

Ce qui distingue des autres la morale écrite de ce