Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
DIDEROT.


suprême ait fait, ordonné, disposé tout à quelque bien général ou particulier ». Le Dieu de la Bible n’est pour lui qu’un Jupiter sémite, plus violent et plus chaste, partant moins poétique ; il reporte sur le Dieu de l’Évangile toute la haine qu’il a pour ses prêtres ; et il en veut enfin à Voltaire, comme d’une insupportable momerie, de son Dieu rémunérateur et vengeur qui l’exaspère.

L’opération de la cataracte faite par Réaumur à un prétendu aveugle-né, qui se trouva n’être qu’un aveugle par accident, fut le prétexte de la fameuse lettre à Mme de Puisieux qui valut à Diderot sa détention à Vincennes ; il y attribuait à Saunderson, dans un récit imaginaire des derniers moments de l’algébriste anglais, sa propre profession d’athéisme. Il l’entoure encore, à la vérité, de quelques restrictions entortillées, et quand Voltaire lui écrit qu’« il n’est point du tout de l’avis de Saunderson qui nie un Dieu parce qu’il est né aveugle », Diderot allègue, assez misérablement d’ailleurs, que « le sentiment de Saunderson n’est pas plus le sien que celui de son cher maître, mais que ce pourrait bien être seulement parce qu’il voit ». « Si c’est ordinairement pendant la nuit que s’élèvent les vapeurs qui obscurcissent en lui l’existence de Dieu, le lever du soleil les dissipe toujours. » Enfin, tout compte fait, « comme il vit très bien avec les athées, il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu ». Personne cependant