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DIDEROT.


du philosophe qu’« il croie qu’il y a trois personnes en Dieu aussi fermement qu’il croit que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits ».

Ces audaces cependant et ces vives impertinences ne sont encore qu’isolées et comme noyées dans l’ensemble d’une profession de foi très nettement déiste, sinon théiste, et, par moments même (mais peut-être seulement par une précaution qui fut inutile), orthodoxe. « J’écris de Dieu », telle est la première phrase des Pensées, et Diderot continue à conclure au créateur de l’existence du monde. Évidemment ce n’est plus le même Dieu : « Sur le portrait qu’on fait de l’Être Suprême, sur son penchant à la colère et sur la rigueur de ses vengeances, l’âme la plus droite serait tentée de souhaiter qu’il n’existât pas » ; le spectacle des gens « dont il ne faut pas dire qu’ils craignent Dieu, mais bien qu’ils en ont peur », l’amène à soutenir que la superstition est plus injurieuse à Dieu que l’athéisme. « Si Dieu de qui nous tenons la raison en exige le sacrifice, c’est un faiseur de tours de gibecière qui escamote ce qu’il a donné. » Mais, cela dit, il répudie toujours les athées, les athées fanfarons qu’il déteste, les athées vrais qu’il plaint et pour qui « toute consolation semble morte ». Pour trouver que « l’ignorance et l’incuriosité sont deux oreillers fort doux, il tient qu’il faut avoir la tête aussi bien faite que Montaigne ». Il jure enfin, serment d’ailleurs qu’il ne tiendra point, qu’il veut « mourir dans la religion de ses pères, parce qu’il la croit