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PHILOSOPHIE.


superficiels et, tout d’abord, le Parlement de Paris qui condamna au feu le petit volume. Composées avec une hâte dont on s’aperçoit, du Vendredi Saint au lundi de Pâques 1746, pour procurer à Mme de Puisieux cinquante louis qu’elle réclamait, les Pensées philosophiques, rééditées plus tard sous le titre d’Étrennes aux Esprits forts, comprennent bien quelques réflexions très hardies. Diderot y déclare déjà la guerre au dogme et même à la morale chrétienne ; écartant d’un mot la révélation, il professe que « le scepticisme est le premier pas vers la vérité et qu’il doit être général, parce qu’il en est la pierre de touche » ; il injurie les fanatiques et bafoue sans pitié les superstitions : il raille la divinité des Écritures :


On a conservé dans une église des tableaux qu’on assure avoir été peints par des anges et par la Divinité elle-même ; si ces morceaux étaient sortis de la main de Le Sueur ou de Le Brun, que pourrais-je opposer à cette tradition immémoriale ? Mais quand j’observe ces célestes ouvrages et que je vois à chaque pas les règles de la peinture violées dans le dessin et dans l’exécution, le vrai de l’art abandonné partout, ne pouvant supposer que l’ouvrier était un ignorant, il faut bien que j’accuse la tradition d’être fabuleuse.


Qu’importe donc qu’un peuple tout entier ait été témoin d’un miracle ? Diderot croirait sans peine « un seul honnête homme qui lui annoncerait que Sa Majesté vient de remporter une victoire complète sur les alliés » ; mais « tout Paris l’assurerait qu’un mort vient de ressusciter à Passy qu’il n’en croirait rien ». Et, désormais, l’on exigerait en vain