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DIDEROT.


porter ses observations à la préoccupation dominante de l’univers, de son origine et de sa destinée. Il veut, il poursuit l’unité. De quelque sujet qu’il s’élance, il pousse partout jusqu’aux principes les plus reculés. La connaissance des phénomènes et de leurs lois ne lui suffit pas ; son but constant, c’est l’interprétation de la nature. « Puisque la philosophie est votre femme, lui écrit Mme Necker, vous ne ressemblez pas à Ulysse, votre Pénélope est partout avec vous. » En effet, dans cette longue odyssée qu’il a poursuivie à travers toutes les provinces de la science, son génie inquiet n’arrête point de rechercher les rapports secrets des choses, « les centres de lumière, comme il les nomme, qui éclairent d’un même rayon les objets les plus dissemblables ou les plus éloignés les uns des autres ». Ses conclusions sont souvent contradictoires et il n’a souvent que des intuitions. Mais ces conclusions successives sont toujours sincères, sans parti-pris, et quelques-unes de ses intuitions les plus hardies ont été confirmées avec éclat par la science expérimentale. Sa vie tout entière, dans chacune de ses manifestations, est une aspiration croissante vers plus de lumière.

S’il a ainsi le goût de l’observation et le don des puissantes synthèses, en revanche ses écrits proprement philosophiques sont peu nombreux ; soit que le temps ait manqué à ce forçat du travail, soit que cet improvisateur merveilleux ne se soit pas senti de force à rassembler ses idées dans un corps de doctrine, il n’a rien publié de systématique. Se modi-