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théâtre.

et l’empêche de tourner à l’artifice ? De même, quand il écrit à Mlle Jodin : « Mettez-vous en garde contre un ridicule qu’on prend imperceptiblement et dont il est impossible dans la suite de se défaire ; c’est de garder, au sortir de la scène, je ne sais quel ton emphatique qui tient du rôle de princesse qu’on a fait. En déposant les habits de Mérope ou d’Alzire, accrochez à votre portemanteau tout ce qui leur appartient… » Qu’est-ce à dire encore, sinon qu’en jouant Alzire ou Mérope, Mlle Jodin est devenue plus ou moins Mérope et Alzire et que, dès lors, Arnould elle-même, jouant Télaïre, n’est pas seulement et exclusivement Arnould ?

En somme, le Paradoxe, en ce qui concerne du moins la thèse principale du dialogue, mérite son titre et il n’eût point fallu prier beaucoup le philosophe pour l’amener à soutenir, avec la même éloquence, l’opinion diamétralement contraire. Sentimental avant tout, jusqu’au point de goûter médiocrement Molière malgré les points d’exclamation innombrables dont il ponctue ses phrases chaque fois qu’il en parle, il a trouvé divertissant de plaider ici contre le sentiment tout comme il s’était amusé, dans ses lettres à Falconet, lui qui laissa dans ses tiroirs les trois quarts de ses manuscrits, à proclamer que l’amour de la renommée est le stimulant le plus certain des artistes. Mais, juste ou faux, quel admirable plaidoyer, quelle richesse d’arguments et d’exemples, quelle verve, et, à travers le feu roulant