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THÉÂTRE.


et la tragédie, hautaine interprète des catastrophes royales, il y avait place pour un troisième genre : le drame du cœur chez les hommes de toute condition et de toute classe.

Diderot a-t-il abordé l’art dramatique avec l’intention de le démocratiser et d’y proclamer une égalité qui ne tarderait pas à passer de la scène à la société ? Ces préméditations ne s’inventent qu’après coup, les Entretiens avec Dorval ne sont que la dernière étape d’un long voyage. La première fois qu’il a traité des questions de théâtre, il ne s’est occupé, en effets que du jeu des acteurs, par suite, « de l’avantage de ramener à la scène quelque simplicité et quelque souci du vrai ». Seulement ; ayant mis la main sur cette pelote, il l’a dévidée jusqu’au bout.

« A-t-on jamais parlé comme nous déclamons ? Les princes et les rois marchent-ils autrement qu’un homme qui marche bien ? Les princesses poussent-elles en parlant des sifflements aigus ? » Voilà, dans l’un des rares chapitres lisibles des Bijoux indiscrets, l’origine des observations de Diderot sur le théâtre. La critique est en apparence modeste ; les interprètes seuls sont en cause ; on les engage simplement à ne pas enfler la voix, à marcher et à parler comme tout le monde. Méfiez-vous cependant, pour peu que vous ayez appris à connaître ce furieux logicien avec qui le commencement est toujours la moitié du tout. Il ne s’est adressé hier qu’aux acteurs ; son amorce posée, il observera demain que les auteurs, par les sujets