Chardin. Entre tous les tableaux qui sont ici, cherchez les plus mauvais, et sachez que deux mille malheureux ont brisé leur pinceau entre leurs dents de désespoir de faire jamais aussi mal. » Cette parole lui est entrée dans l’âme.
Enfin, que l’on partage ou non ses opinions sur la peinture et sur les peintres, voici qui n’est pas contestable : il a retrouvé pour ses contemporains qui l’avaient oublié le grand principe qui domine l’Art à travers les âges : Allez à la nature ! Il a dégagé de l’Antiquité autre chose que la mythologie païenne « où se jetaient les peintres de son temps » ; mais il ne s’en est pas tenu là. Cette ligne idéale, cette ligne vraie des sculpteurs grecs, il ne suffit pas de la copier ; c’est de l’étude patiente et raisonnée de la nature que les anciens l’ont dégagée ; encore et toujours, il faut recommencer la même étude. Cet impérieux conseil est le fil conducteur de l’admirable Essai sur la peinture que Gœthe a traduit et commenté. Le premier, il se révolte contre l’Académie, contre un enseignement bon à peine à faire de froids copistes et des imitateurs glacés ; révolutionnaire dans l’âme, il ouvre les portes des ateliers à deux battants sur la vie extérieure et en casse les vitres sur la nature qu’il appelle. Le modèle, le modèle d’atelier, voilà l’ennemi !
Ces sept ans passés à l’Académie à dessiner d’après le modèle, les croyez-vous bien employés ? C’est là, pendant ces sept pénibles et cruelles années, qu’on prend la manière dans le dessin. Toutes ces positions académiques, contraintes,