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LES SALONS.


jeune fille n’est plus vierge, où l’oiseau n’est pas un oiseau. Mais ne trouvez-vous pas quelque chose d’également vilain, chez le peintre et chez l’écrivain, à cette vertu qui devient une enseigne de plaisir, à cette jatte de lait aux cantharides ?

Pour une âme pure, tout est pur ; rien ne l’est aux yeux de Diderot. Pour une page vraiment exquise sur ces gens « qui ne savent pas que les paupières fermées ont une espèce de transparence, qui n’ont jamais vu une mère venant la nuit voir son enfant au berceau, une lampe à la main, et craignant de l’éveiller », que de laides grossièretés entre deux bouffées de morale ! Pesez cette prétendue confession : « Je ne suis pas un capucin ; j’avoue toutefois que je sacrifierais volontiers le plaisir de voir de belles nudités, si je pouvais hâter le moment où la peinture et la sculpture songeront à concourir, avec les autres beaux-arts, à inspirer la vertu et à épurer les mœurs ». Épurer les mœurs par la peinture, c’est, nous le savons, raconter en couleur des drames de famille, des apologues, le théâtre bourgeois de Diderot. Mais quel est bien le genre de plaisir qu’il éprouve devant de belles nudités ? Il n’y a pas moyen de l’en défendre : c’est le plus bas, la vulgaire excitation des sens. Dans la nudité, il ne voit que la promesse du plaisir. « Ces objets séduisants contrarient l’émotion de l’âme par le trouble qu’ils jettent dans les sens. » L’aveu seul est une condamnation. « Je regarde Suzanne, et, loin de ressentir de l’horreur pour les vieillards, peut-être ai-je désiré

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