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DIDEROT.


plus souvent un méchant tableau ; ses projets de statuaire ressemblent à des gâteaux montés. Encore Greuze, La Grenée et Chardin assuraient que « les images pouvaient passer sur la toile presque comme elles étaient ordonnées dans sa tête ». Mais il a d’abord un sentiment très rare de l’unité : ce qu’il appelle la force de l’unité n’a peut-être jamais été mieux senti et rendu plus sensible que par lui. Dégager le morceau principal à son plan et en pleine lumière, subordonner le détail à l’ensemble, lier toutes les parties du tableau dans une seule harmonie, il revient sans se lasser et avec une abondance toujours nouvelle d’arguments et d’images sur ces nécessités de la composition. « L’unité du tout naît de la subordination des parties, et de cette subordination naît l’harmonie qui suppose la variété. » Il montre comment « les accessoires trop soignés rompent l’équilibre », « comment il faut être clair n’importe par quel moyen ». La plume à la main, il n’a jamais eu le temps de composer : ses ouvrages sont une suite de digressions enfilées au hasard de l’inspiration comme un collier de perles baroques ; il n’a pas fait un seul livre. Mais l’artiste qui, le pinceau à la main, suit son exemple, n’échappe point à sa sévérité : « Voilà trois groupes que rien ne lie ; il y a de quoi découper dans ce tableau trois éventails ». Il se peut que chacun de ces trois éventails soit beau ; mais ce tableau lui-même est détestable, ce n’est pas un tableau. Il maltraite plus durement encore les Grâces de Van