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LES SALONS.


rature. « Le premier point, le point important, c’est de trouver une grande idée. » Mais qu’est-ce, en peinture ou en sculpture, qu’une grande idée ? Où est-elle, par exemple, dans le Gladiateur de la galerie des Antiques, beau seulement par la forme et par le mouvement, ou dans la Bethsabée de Rembrandt, belle seulement par le modelé et par la couleur ?

La part que Diderot a faite à la technique semble aujourd’hui insuffisante ; cependant, sur ce point encore, s’instruisant en instruisant les autres, il a été des premiers à découvrir à nouveau que, si l’art commence où le métier cesse, le métier est le support de l’art. Au début (Salon de 1761), il avoue qu’« il ne se connaît pas en dessin » ; il se risquerait encore à acheter un tableau sur son goût, sur son jugement ; s’il s’agit d’une statue, il prendra l’avis de l’artiste. Mais l’aveu n’est pas sans lui coûter : que penserait-il du peintre qui, ayant à juger un écrivain, dirait d’abord : « Je ne connais pas la grammaire » ? Il cherche donc des excuses : « J’ai peur que les autres ne s’entendent pas plus au dessin que moi ; nous ne voyons jamais le nu ; la religion et le climat s’y opposent ; les anciens, eux, avaient des bains, des gymnases, peu d’idée de la pudeur, un climat chaud, un culte libertin. »

Cette excuse pourtant ne le satisfait pas : « L’artiste, quand il se défend avec le dessin, n’aurait-il pas raison contre l’homme de lettres ? » Deux ans plus tard, il discute à nouveau la question à propos