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DIDEROT.


veux-tu. » Évidemment ; mais si la sonate m’enchante, pourquoi chicaner, gâter, empoisonner mon plaisir ? Prenons-le d’abord. Il y a bien assez de gens, de par le monde, qui ressemblent au pauvre Parrocel : « Il a beau se frapper le front, il n’y a personne ». Derrière le front de Diderot il y a une légion toujours prête à s’élancer, orateurs, physiciens, moralistes, poètes, dramaturges, satiriques, pour se livrer sous nos yeux aux exercices les plus variés. Tout le grise, surtout la peinture. Pourquoi ne pas jouir, nous aussi, de cette griserie ?

Sans se défendre contre le charme de ces merveilleuses causeries, d’autres que de simples cuistres se sont demandé si la peinture n’a point été pour Diderot ce que l’histoire a été plus tard pour Dumas : la patère où il accroche ses contes et ses théories. En fondant la critique d’art, ne l’a-t-il point faussée ?

Voici d’abord un premier point : quel but se propose Diderot en écrivant ses Salons ? Bien qu’il ne l’ait défini en aucune page de ses trois volumes, son ambition ne peut être celle d’un vulgaire amuseur : ce qu’il cherche, c’est à initier au sentiment des arts plastiques un siècle qui ne manque ni de sculpteurs ni de peintres, mais où le public lui-même est à l’égard de la peinture d’une ignorance qui touche à l’indifférence et, n’ayant d’oreilles que pour l’esprit, n’a plus d’yeux pour la forme. Dès lors, imaginez que Grimm, au lieu de s’adresser à Diderot pour le compte rendu des Expositions, se fût adressé à un Winckelmann. Au lieu de ces causeries en zigzag et